En 1978, l’école de recherche graphique, créée un peu moins de cinq années auparavant, commence à occuper un espace situé sur la rue de la Régence en face de l’église du Sablon. Sous l’impulsion d’Elisabeth Barmarin, alors directrice de l’école, et de discussions collectives organisées par les étudiant.e.s, cet espace, intitulé sobrement galerie erg, est organisé en autogestion par les étudiant.e.s, prenant en charge sa rénovation, sa programmation, sa gestion.
Cette « institution » au caractère expérimental, agissant comme une sorte de miroir micro-institutionnel de la pédagogie mise en œuvre dans l’école, va déployer sur environ 5 années, jusqu'en 1982, un programme original accueillant en majorité des projets d’étudiant.e.s mais également d’enseignant.e.s et de personnes extérieures à l’école.
Cette exposition n’est pas une exposition d’histoire ou d’archives à proprement parler. Elle vise à se ressaisir de documents, d’objets, d’images pour en dégager des motifs, des rythmes, des intensités. Elle est construite comme une partition où lors de chacune des journées seront activés un ou plusieurs scripts projetant, tel un effet boomerang, l’histoire dans le maintenant.
Programme
Sophie Nys, Mey Semtati, Walter Swennen
Lundi 20
La compagnie des arts ménagers, Garance Debert, Luc Deleu (T.O.P. office), Max Ricat, Mallaury Scala
18h performance de Garance Debert, Max Ricat et Mallaury Scala, avec la participation de Patrick Beckers
19h drink
La journée commence tard et fort sur Jitsi ou whatever depuis le confort de la galerie, où les visites ne vont pas tarder à s'enchaîner. T2 atypique de près de 135m2, appartement en duplex belle hauteur sous plafond et volumes audacieux, très lumineux, orienté Sud-Sud-Est, plein de charme, meublé discrètement et avec goût, espace de vie accueillant convertible bureau, proche de toutes commodités. Ce genre de choses est dit au loin.
Mardi 21
Livia Cahn, Alain Chabeau, Juan d’Oultremont, Denis Deprez, Daniel Dutrieux, Jacques Faton, Bernadette Kluyskens, Ananda Kohlbrenner, Virgile Loiseau, Arthur Manoukian, Jacqueline Mesmaeker, Nelly Monnier et Eric Tabuchi, Solène Rigaut, Vincent P. Alexis
11h intervention sonore de Virgile Loiseau
16h lecture de Vincent Glasmacher
18h projection et table ronde avec Livia Cahn, Denis Deprez, Jacques Faton, Ananda Kohlbrenner, Vincent P. Alexis
Deux scripts s’entrelacent.
L’extérieur de galerie erg, rue de la Régence, et l’intérieur d’erg galerie, rue du Page, sont des espaces publics (par l'intersection produite de leur rencontre). Ils traversent le temps, les époques. La galerie s’est déplacée, un espace a évolué, tout comme l’espace public autour de celle-ci. Des signes et éléments publics facilement discernables agissent comme des torsions temporelles dans l’espace, constituant dans la galerie actuelle une topographie urbaine modifiée, manière de rejouer un principe directeur de la galerie de l’époque, celle d’être une interface entre l’intérieur et l’extérieur.
Il s’agira également de sols. En invoquant différentes pratiques explorant entre autres des questions d’urbanisation, d’appropriation, de pollution, de construction et de déconstruction, il sera question des statuts des territoires urbains, péri-urbains ou ruraux. Ce sera l’occasion de visualiser nos rapports aux sols et aux enjeux qui les traversent (eux, sur lesquels nous imaginons et composons nos terrains d’entente).
Mercredi 22
Jacques Charlier, Daniel Dutrieux, Diane Keumo, Wolfgang Loos et Frank Scherbaum, Oumou Sané, Anne-Mie Van Kerckhoven
11h diffusion d’une pièce sonore de Wolfgang Loos et Frank Scherbaum
16h performance de Diane Keumo et Oumou Sané
Durant Echelle 1: 1981 Schaal, Jacques Charlier réalise une mise en scène où le sol était jonché de cheveux coupé par Césarina/Top Coiffure tandis qu’au mur la photographie d’une femme au crâne rasé était accrochée. Charlier n’est pas le seul à s’être emparé de la question du cheveu, portant attention à la coiffure comme paradigme de l’art (autant celui de se couper les cheveux en 4, que de formes populaires et des bords marginaux de l’art, de ses chutes). L'après-midi, la galerie rentre dans l'intimité d'une session de tressage, moment intime et banal sur les restes des anciens, il ne s’agit plus tant de l’art que de métissage, de tissage, de nouage. De l’art conceptuel au postcolonial. Anne-Mie Van Kerckhoven réalisait quant à elle, également pour Echelle 1:1981 Schaal, sa troisième « opération néocolonialiste ».
Jeudi 23
Théo Casciani, Martine Cloots, Michel Couturier, Bernard Hubot, Bernadette Kluyskens, Monica Montes, Bernard Villers
11h arpentage collectif
13h performance de Bernard Hubot
15h performance de Bernadette Kluyskens et Monica Montes
16h arpentage et table ronde avec Michel Couturier, Bernard Hubot, Bernadette Kluyskens, Bernard Villers
19h lecture de Théo Casciani
S’arrêter, respirer. Regarder, se placer. Voir, écouter.
On parle souvent de l’erg comme un espace de croisement disciplinaire, de croisement de théorie et de pratique ; problématiques impliquant aussi bien l’espace intérieur-extérieur comme celui de l’individuel-collectif. Ce serait l’avant, le maintenant et l’après de l’école, peut-être.
La dimension expérimentale, inhérente à l’erg, nous pousse à l’inconnu, à sortir du cadre, aussi bien de notre propre cadre comme celui du cadre commun, et par conséquent, cette dimension produit pratique et savoir.
Partant d’une donnée aussi simple que la couleur, quels croisements, nouveaux espaces, nouvelles sensibilités produira-t-elle ?
Vendredi 24
Angélique Aubrit et Ludovic Beillard, Louise Delanghe, Kåre Frang, Walter Swennen, Stephen Wright
15h projection de film d’Angélique Aubrit et Ludovic Beillard
17h déambulation de Stephen Wright
Dans le monde dystopique du néocapitalisme, où se situe le politique dans l’art ? En tant qu’artistes, comment faire sens dans une réalité qui, tous les jours, perd un peu plus de son contenu ? Réussir à faire « lien » et mettre en lumière des vérités que l’on a laissées devenir absurdes. C’est par une épistémologie de l’art que l’on trouvera peut-être des débuts de réponses. Faire art comme on fait une enquête et retrouver le sens des histoires, l’envers d’un décor qui nous a échappé. Croiser les disciplines et inventer de nouvelles manières de penser : faire enfin sauter les compartiments cartésiens de nos bibliothèques et accueillir l’ère du classeur Mnémosyne à pochettes plastiques.
Samedi 25
Bernadette Kluyskens, Diane Keumo, Oumou Sané, Thomas Struth
11h dérive urbaine, départ 26 rue de la Régence, 1000 Bruxelles.
Le jour avant la fermeture, c’est relâche. La galerie est fermée le matin, une déambulation est organisée dans la ville : sorte de procession informelle. Point de départ : galerie erg (26 rue de la Régence). Point d’arrivée : erg galerie (87 rue du Page). Entre les deux points, on s’éloigne spatialement du passé vers le présent, c’est une marche entropique, un travail de collecte, on repère, on regarde, on glane, on ramasse. Il fait froid, c’est novembre. On mange une soupe le midi, on réinvite les voisins et voisines. On inspecte, on trie et on installe les restes de la marche, on se les explique, on prend le temps de parler avec les un.e.s et les autres, nous, le public, l’école, qui veut.
Dimanche 26
Guy-Marc Hinant, Monica Montes, Daniel Petit dit Dariel, Siméon Droulers, EAT (erg à table)
12h projection, Monica Montes, Raphaël Pirenne
16h performance de Daniel Petit dit Dariel
18h performance sonore de Guy-Marc Hinant
19h fermeture, Siméon Droulers, EAT (erg à table)
Fin de l'exposition, des signes, des mots, des images sont dessinés, projetés, convertis en nourriture pour être regardés, écoutés, mangés. On métabolise, sorte de synthèse d'une semaine écoulée, le blanc d’Espagne s'écoule des vitres, devient poudre sur le sol : le tombeau de l'exposition.
Colophon
Coordination pour les recherches et l'exposition : Raphaël Pirenne
L’archive a été constituée entre 2021 et 2022 par : Vincent Bentolila, Clarisse Berrada, Gladys Bukolo Nzoloko, Sarah Chapuis, Louise Chopin, Corentin Deudé, Daniel Dutrieux, Bernadette Kluyskens, Louis Lepère, Giuseppe Masia, Louise Ollivier, Léo Ouzegdouh, Raphaël Pirenne, Justin Roger Golano, Laleshka Salas Salazar, César Schwartz, Laura Willems, Agathe Wolff.
L’exposition a été conçue et développée entre 2022 et 2023 par et avec : Ségolène Château, Joseph Dofny, Daniel Dutrieux, Diane Keumo, Bernadette Kluyskens, Arthur Manoukian, Monica Montes, Raphaël Pirenne, Solène Rigaut, Mey Semtati, Eloïse Tabouret, Agathe Wolff.
La communication visuelle a été réalisée par Eloïse Tabouret avec le soutien et l’assistance technique de Florence Delhaye, Amélie Poitevin, Bastien Dubié, Ludi Loiseau et Joël Vermot / Harrisson.
La numérisation de l’archive a été réalisée avec le soutien d’Antoine Meyer. L’interface web permettant de naviguer dans l’archive a été réalisée par Stéphane Noël.